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Didactique du plurilinguisme - Chrystel Troncy

Octobre 2014

Recension par Jacques Vernaudon

Didactique du plurilinguisme. Approches plurielles des langues et des cultures. Autour de Michel Candelier - sous la direction de C. Troncy avec le concours de J.F. de Pietro, L. Goletto, M. Kervran

Presses Universitaires de Rennes, Collection "Des sociétés, 2014, 517 p.

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Toutes les classes sont multilingues, à la fois parce que plusieurs langues peuvent y être enseignées, mais aussi et surtout parce qu’elles sont peuplées d’élèves dont le français n’est pas toujours la (seule) langue maternelle ou d’origine. La reconnaissance de cette hétérogénéité linguistique encourage la multiplication des recherches, des colloques et des publications francophones sur ces questions. Peut-être faut-il y voir, outre la maturation interne en didactique des « grandes » langues et l’avancée des connaissances en psycholinguistique et en sociolinguistique, l’effet combiné et tardif des revendications identitaires régionales, des mouvements d’émancipation autochtones des outre-mer français et leurs demandes d’adaptation de l’école – si tant est que l’on veuille bien reconnaître une incidence épistémologique des problématiques « ultramarines » sur la scène pédagogique hexagonale –, de l’émergence de la « question » des banlieues et de ses enfants issus de l’immigration, et enfin du processus de construction européenne. Même si le présent ouvrage n’en parle pas – cela participe sans doute du refoulé, puisque la didactique des langues n’est plus une « linguistique appliquée » depuis quarante ans –, on peut reconnaître aussi l’apport théorique de la linguistique comparative et typologique dont l’objectif est de rendre compte du langage humain dans son entière complexité, tel qu’il est incarné dans toutes les langues du monde et dans toutes les variétés de ces langues.

Dans ce contexte, quelques pionniers, et Michel Candelier en fait partie, ont imprimé une inflexion radicale à la didactique des langues. D’abord conçue comme un champ fragmenté en didactiques singulières centrées sur une poignée de « grandes » langues adoubées par l’institution scolaire, elle développe depuis une dizaine d’années un paradigme nouveau où le centre de gravité est désormais l’apprenant dont on reconnaît les « compétences plurilingues et pluriculturelles » et où toute langue, indépendamment de sa valeur sur le marché linguistique, présente un intérêt pour la construction langagière, intellectuelle et sociale des élèves. Cette perspective rejoint, au moins sur le papier, celle du Conseil de l’Europe où le plurilinguisme est mis au service de la citoyenneté démocratique

Le présent ouvrage collectif rend hommage à Michel Candelier pour sa contribution majeure à cette inflexion plurilingue et, plus particulièrement, à la construction de la notion d’approches plurielles dans le champ de la didactique des langues. Il réunit une quarantaine d’articles, dont certains écrits en anglais, en allemand et en portugais. Dix d’entre eux sont des textes de Michel Candelier, ou dont il est co-auteur, déjà publiés entre 1986 et 2008 et qui servent à présenter son univers didactique et à retracer l’émergence et la consolidation de la notion d’approches plurielles dans ses travaux. Les autres textes sont des contributions originales de trente-six auteurs qui illustrent, interrogent ou prolongent la réflexion de Michel Candelier.

Une « Ouverture » présente l’homme, son parcours professionnel et intellectuel, et son engagement. Germaniste et enseignant d’allemand, Michel Candelier oriente initialement ses recherches didactiques vers la notion d’appui sur la langue maternelle pour apprendre la langue étrangère. Il s’intéressera ensuite aux choix de politiques éducatives, et de langues enseignées/étudiées, puis aux enjeux socioculturels de l’éducation plurilingue. Dans cette partie liminaire, Christel Troncy présente également la notion didactique « d’approches plurielles » (p.21) à travers des extraits d’un corpus de textes de Michel Candelier. Cette approche rompt avec l’isolationnisme monolinguistique qui privilégie une ou deux langues étrangères à acquérir en cours de scolarité, et encourage la valorisation de la diversité linguistique, représentée dans la classe par la propre diversité des répertoires linguistiques individuels des apprenants. Il s’agit d’une démarche métalinguistique explicite et comparative, « synergétique », qui prend appui à la fois sur les langues maternelles et sur les langues enseignées. Parmi les approches plurielles, l’éveil aux langues (EAL), inspiré du Awareness of language initié par Éric Hawkins dans les années 1980 en Grande-Bretagne, occupe une place privilégiée (p.47).

Ildikó Lörincz et Anna Schröder-Sura présentent les programmes pilotés par Michel Candelier qui ont permis la diffusion des approches plurielles à l’échelle européenne, en particulier Evlang (1997-2001) et Janua Linguarum (Jaling, 2000-2004) (p.53). L’impulsion s’est prolongée hors de l’Europe – par exemple, au Canada avec Elodil – et a également débouché sur la production d’un « Cadre de référence pour les approches plurielles des langues et des cultures » (CARAP) accessible en ligne.

La suite de l’ouvrage s’organise en cinq chapitres distribués en trois parties. La première partie approfondit la notion d’approches plurielles, son histoire, son périmètre, ses articulations avec d’autres notions – en particulier celle de « compétences plurilingues et pluriculturelles –, et fournit quelques exemples de mise en œuvre dans des contextes particuliers.

Le premier chapitre, « À travers champ : démarches, activités, effets », est introduit par trois textes de Michel Candelier. Le premier éclaire le débat sur les activités métalinguistiques dans la classe de langue vivante étrangère et leur pertinence pour l’enseignement-apprentissage (p.71). Le second, co-écrit avec Christiane Bourguignon, explique qu’en vertu du principe selon lequel « apprendre, c’est partir du connu pour y intégrer le nouveau », il est souhaitable de s’appuyer sur la langue maternelle de l’apprenant (p.89). L’intuition d’une notion grammaticale peut être développée plus facilement grâce à des manipulations épilinguistiques dans la langue maternelle avant d’être transférée vers la langue cible. En première approche, dans le cas de l’école française, il faut en déduire qu’il convient de s’appuyer sur le français pour enseigner l’anglais, l’espagnol, l’allemand, etc. Mais le français n’est pas la langue maternelle de tous les élèves de l’école française. Si le principe pédagogique du cheminement du connu vers l’inconnu est pertinent, il vaut pour toute langue « première », et pas seulement pour le français. C’est donc tout le « déjà là » linguistique des apprenants qu’il convient de prendre en compte. C’est l’utopie défendue par le troisième article : « toutes les langues à l’école ! » (p.109). Ainsi s’imposent la reconnaissance des compétences plurilingues et pluriculturelles des apprenants et, conjointement, la nécessité d’élaborer une didactique du plurilinguisme qui génère les outils conceptuels et pratiques de cette prise en charge. Parmi ceux-ci, Michel Candelier privilégie l’éveil aux langues dont il rappelle les fonctions (p.111) : développer l’intérêt et l’ouverture des élèves vis-à-vis de la diversité ; légitimer et valoriser les compétences et identités linguistiques et culturelles de chacun ; développer l’aptitude des élèves à observer et analyser les langues et donc favoriser leur aptitude à les apprendre ; favoriser le désir des élèves d’apprendre les langues et développer les connaissances sociolinguistiques. Ces fonctions sont réalisées à moindres frais en contournant les obstacles d’un enseignant plurilingue, puisqu’il ne s’agit pas de développer des compétences communicatives dans toutes les langues.

Les contributions suivantes du premier chapitre illustrent et évaluent la mise en œuvre des approches plurielles en contexte scolaire. Ildikó Lörincz présente les objectifs et résultats de la recherche Jaling en Hongrie (p.129). Patricia Lambert offre un compte rendu synthétique de la mise en place d’un atelier d’EAL dans une classe de seconde d’un lycée professionnel en éducation prioritaire (p.149). À partir d’extraits des interactions dans la classe, l’auteur révèle la négociation identitaire entre élèves et leurs représentations sur les langues et les cultures. Françoise Armand rend compte des enjeux spécifiques de l’éveil aux langues en contexte montréalais québécois (p.167). Ces approches sont également déployées sur le terrain de la formation linguistique en contextes d’insertion, comme l’illustrent les articles de Joëlle Aden et Françoise Leclaire (p.141), et d’Aude Bretegnier (p.159). Dans un espace assimilationniste où le plurilinguisme des migrants et leurs langues maternelles « restent socialement difficiles à concevoir autrement que comme potentiellement problématiques » (p.161), les approches plurielles peuvent participer à déconstruire à la fois la représentation du « déjà là » linguistique des apprenants comme entrave, et celle de la langue française comme système normatif figé interdisant toute variation.

Le second chapitre, « Articulations et recompositions du champ des approches plurielles », s’ouvre sur une justification de Michel Candelier et de Jean-François de Pietro du choix d’ordre curriculaire d’encourager l’éveil aux langues (p.177). Les auteurs s’interrogent ensuite sur les formes scolaires que peut prendre cette approche, en s’appuyant sur les résultats du programme Evlang. On y apprend en particulier que « les progrès des élèves deviennent significatifs – suivant alors une courbe exponentielle – à partir d’un seuil temporel minimum situé entre trente et quarante heures ; il apparaît de même qu’il est préférable que les leçons ne soient pas trop longues et qu’elles soient « intégrées » dans d’autres activités/disciplines scolaires » (p.188).

Dans ce même chapitre, Marisa Cavalli discute la notion de plurilinguisme (p.195) et Frank Heyworth évalue l’apport du CARAP (p.203). L’article de Ingelore Oomen-Welke présente de nouveaux exemples d’activités d’éveil aux langues issus de l’expérience allemande, accompagnés de réflexions théoriques (p.211). Martine Kervran aborde les modalités de mises en synergies des enseignements singuliers et pluriels de langues à l’école primaire et fait des propositions sur les possibles articulations (p.221). Enfin, Jean-François de Pietro dégage les principales caractéristiques qui distinguent les approches plurielles des autres approches en didactique des langues et des cultures (p.227). Au-delà des quatre approches originelles identifiées par Michel Candelier – didactique intégrée, intercompréhension entre langues parentes, EAL, approches interculturelles –, l’auteur propose un élargissement du périmètre à d’autres pratiques didactiques : traduction, sacs d’histoires, biographies langagières, etc. Selon lui, les approches plurielles découlent avant tout « d’un état d’esprit : aborder quelque objet qui soit dans une perspective ouverte – plurielle –, quitte à ensuite « resserrer » vers le singulier, lorsque cela est nécessaire ou plus opératoire d’un point de vue didactique » (p.236). La deuxième partie de l’ouvrage rend compte de la diffusion et de la réception institutionnelle et sociale de la notion d’approches plurielles.

Le troisième chapitre, « Diffuser et institutionnaliser les approches plurielles dans les systèmes éducatifs », s’ouvre sur un texte de vulgarisation de Michel Candelier visant à populariser ces approches (p.249). Il est prolongé par un article sur l’accueil réservé à l’EAL au Portugal, d’Ana Isabel Andrade et al. (p.255). Fleurette Barranco et Nathalie Jeudy-Karakoc s’interrogent ensuite sur la compatibilité entre la formation aux approches plurielles et les compétences professionnelles exigées pour les professeurs des écoles en France (p.267). Nathalie Auger évalue la pertinence des approches plurielles sur le terrain des élèves nouvellement arrivés en France (p.275). Violaine Bigot et Marité Vasseur encouragent le développement de démarches visant à doter les élèves d’une capacité méta-pragmatique (p.281). Gina Ioannitou observe la place que l’institution scolaire et les familles donnent au plurilinguisme en Grèce (p.289). Atsuko Koïshi présente les premiers résultats d’une tentative de mise en œuvre d’activités multilingues dans une école élémentaire au Japon et expose les contraintes qui empêchent de dépasser le « monolinguisme » institutionnel (p.295).

Le quatrième chapitre, « Au-delà des contextes formatifs. Les approches plurielles comme utopie sociale ? », débute avec un article dans lequel Michel Candelier identifiait, en 1997, quatre « voies d’avenir » en didactique des langues : l’enseignement précoce des langues, les filières bilingues, les transferts interlangues de compétences linguistiques et métalinguistiques, la prise de conscience par l’apprenant de ses démarches d’apprentissage. Dans les faits, seules les deux premières approches ont bénéficié d’un soutien actif des autorités pédagogiques. C’est ce que l’auteur appelle la « bipolarisation précoce-bilingue », laquelle, « mise en place au nom du plurilinguisme linguistique, va à l’encontre de la réalisation de cet objectif » (p.318), car elle revient dans les faits à privilégier exclusivement une poignée de « grandes » langues avec l’anglais en tête. Elle participe aussi au renforcement des inégalités sociales puisque les filières bilingues sont réservées aux meilleurs. Les textes suivants interrogent les liens entre la didactique des langues et le projet global d’une société plus tolérante vis-à-vis de la diversité linguistique et culturelle. Danielle Omer (p.339) critique la corrélation opportuniste entre la promotion de la diversité linguistique et celle de la francophonie. Face au rouleau compresseur de l’anglais, Michel Candelier entend promouvoir un modèle plurilingue à la française qui servirait conjointement à contenir le « tout anglais » et à favoriser le « développement du français hors de ses frontières ». En s’appuyant sur l’exemple de l’Alliance israélite universelle, Danielle Omer montre comment un projet d’éducation contre l’intolérance a fini par imposer exclusivement le français. « On ne peut que pointer l’incontestable contradiction qui existe entre la finalité proclamée d’une politique éducative ouverte sur la diversité linguistique et la mise en œuvre orientée plutôt vers la francophonie qui décrédibilise les intentions programmatiques de départ » (p.344). Elle poursuit avec deux recommandations : d’une part, « l’EAL aurait tout à gagner en cherchant à devenir clairement une matière scolaire autonome, non pas pour servir d’outil de contention contre le développement de l’apprentissage d’une langue particulière, mais pour sensibiliser, sans aucune arrière-pensée, à la diversité linguistique et culturelle » (p.344) ; d’autre part, « l’enseignement des langues ne peut se dissoudre dans l’EAL. Si l’EAL doit jouer, à juste titre, un rôle éducatif de sensibilisation à la diversité linguistique et culturelle, il n’est pas recommandé […] qu’il supplée l’enseignement et l’apprentissage des langues particulières » (p.346). Avec un recul tout aussi salutaire, Gilles Forlot (p.347), après avoir rappelé l’ambition sociale globale des approches plurielles défendues par Michel Candelier, soumet la notion de « cohésion sociale » à la critique et rappelle les conceptions antagonistes qui visent cet objectif : « les multiculturalistes la convoquent en supposant que de la compréhension de la différence naît la cohésion, mais les assimilationnistes ou les universalistes y ont depuis longtemps recours en postulant que la langue unique est un facteur de cohésion » (p.351). Le chapitre s’achève par un article d’Isabelle Audras évaluant, au travers des entretiens avec les acteurs de la structure, l’impact de séances d’EAL au sein d’un atelier parents-enfants dans une « maison pour tous » d’une banlieue proche du Mans (p.355).

La troisième partie, à visée davantage épistémologique, est composée d’un unique cinquième chapitre intitulé « Vers une recomposition du champ de la didactique des langues ? Les approches plurielles dans l’histoire d’une discipline ». Elle retrace l’émergence de ces approches durant les quarante dernières années et donne à entendre les débats théoriques qu’elles suscitent. L’article liminaire de Michel Candielier et Louise Dabène, publié en 1988, dresse un bilan des circulations d’idées et des liens tissés entre les didactiques de diverses langues, tels qu’ils transparaissent à l’issue du colloque « Didactique des langues ou didactiques de langues ? Transversalités et spécificités » qui s’est tenu à Paris en 1987. Il s’avère qu’aucun des intervenants n’adhère à une position extrême, celle « d’une didactique totalement unifiée pour toutes les langues étrangères », ou celle « des didactiques particulières parfaitement isolées, spécifiques à chaque langue étrangère », ce qui laisse la voie ouverte pour une didactique des langues « certes unique, mais capable d’accueillir et de « théoriser » en son sein les effets de différences réelles entre les situations – au sens le plus large – de chaque langue et de chaque culture, dans diverses conditions d’apprentissage » (p.380). Dans le texte suivant, publié en 2000, Michel Candelier prolonge la réflexion sur ce plaidoyer en faveur d’un grand continuum et d’une didactica magna (p.381). Son troisième article, publié en 2008, explicite la genèse de la notion d’approches plurielles, l’articule avec celle de didactique du plurilinguisme et présente le CARAP (p.387). Josef Huber revient ensuite sur la « révolution copernicienne » en didactique des langues de la centration sur l’apprenant plutôt que sur les langues enseignées (p.405). Franz-Joseph Meissner et Anna Schöder-Sura retracent la diffusion de la notion d’intercompréhension à travers les discours didactiques des pays de l’Union européenne et soulignent le manque partiel d’une terminologie commune (p.413). Christian Puren rappelle la préoccupation épistémologique permanente de Michel Candelier dans le projet d’autonomisation de la didactique des langues initié en 1972 (p.423). Définie par son objet – le processus conjoint d’enseignement-apprentissage d’une langue-culture – et par son projet – l’amélioration de ce processus –, elle vise l’élaboration dynamique d’une théorisation des pratiques enseignantes, par, avec et pour les enseignants, plutôt qu’une théorie « en tant que produit fini ». Véronique Castelloti tente de clarifier la notion de « didactique du plurilinguisme » que Maurice Candelier a contribué à populariser comme une alternative à « didactique des langues » (p.435). Jacqueline Billiez et Diana-Lee Simon reviennent sur la genèse de la « didactique du plurilinguisme » et des « approches plurielles » et se penchent sur deux exemples concrets d’application au Liban et au Sénégal (p.443). L’ouvrage se clôt sur une contribution de Daniel Coste (p.451) où sont évoquées les reconfigurations et les circulations entre approches plurielles et singulières : « Si chaque didactique singulière ne peut que gagner à considérer la langue et son apprentissage sur le mode de la pluralité linguistique interne à toute langue et propre au contact avec les autres, tout projet d’éducation langagière inclusive et plurilingue ne saurait se dispenser d’une prise en charge de la singularité que présente, en dernière instance et par delà transferts et transversalités, l’apprentissage de telle ou telle langue » (p.461).

L’ouvrage comporte en outre une bibliographie générale, une bibliographie de l’ensemble des publications de Michel Candelier et un index thématique particulièrement utile pour retrouver des définitions ou des citations en rapport avec les notions didactiques abordées.

Que le lecteur ne s’y trompe pas, il ne trouvera pas ou peu ici d’illustrations pratiques de ce que sont les approches plurielles, et plus particulièrement l’éveil aux langues. Il faut pour cela consulter les supports qui sont accessibles en ligne (cf. entre autres, carap.ecml.at, www.edilic.org, www.irdp.ch/eole/). Ce copieux volume offre en revanche, au-delà de l’hommage rendu à Michel Candelier, une assise théorique solide à cette notion, avec quelques critiques constructives. On peut regretter, comme le fait Michel Candelier lui-même, la prépondérance des réflexions « programmatiques » et épistémologiques sur les études empiriques. Les résultats obtenus à l’issue de mises en œuvre sur le terrain sont souvent en demi-teinte et on peut émettre des réserves sur l’évaluation des effets sociétaux de l’EAL. Gilles Forlot souligne à ce sujet que les différentes études « ne fournissent par de résultats précis qui permettraient de dire que les apprentissages pluriels produisent des effets de pacification et d’équilibre des relations sociales, même si la plupart des sociolinguistes et didacticiens intervenant dans ce domaine spécialisé y croient » (p.352). Nous lui empruntons sa conclusion lucide (p.354) : « sans évolution significative du fonctionnement sociopolitique d’un pays, il est à redouter que les démarches pédagogiques alternatives, quelle que soit leur nature, ne soient que des gouttes d’eau dans l’océan ». Néanmoins, la promotion des approches plurielles « doit perdurer et se développer, ne serait-ce que pour les enfants qui auront accès à ces petites gouttes d’eau… »

Jacques Vernaudon - maître de conférences en linguistique océanienne à l’université de la Polynésie française et membre de l’équipe Sociétés traditionnelles et contemporaines en Océanie (EASTCO)

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